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Un coup de Grisou

Ancienne gravure illustrant un coup de grisou dans une mine

Ancienne gravure illustrant un coup de grisou dans une mine

Un coup de grisou est très souvent suivi d’un coup de poussière. Nous allons d’abord définir ce que sont ces 2 sources d’explosion : le grisou et les poussières inflammables.

Le Grisou

C’est un gaz incolore, inodore et sans saveur essentiellement composé de méthane. Sa formule chimique est CH4, sa densité est  0,55, il est plus léger que l’air. Il se trouve donc dans les parties hautes des chantiers et galeries. Il est impossible de le détecter sans un appareil de mesure : la lampe de sûreté à flamme ou un grisoumètre électronique. Il peut exploser entre 6 et 16 % en présence d’une température supérieure à 600° (flamme, étincelle chaude, explosif).
L’explosion est maximum à une teneur de 9 % Il est asphyxiant s’il prend la place de l’oxygène dans l’air, lorsque le pourcentage d’oxygène dans l’air descend en dessous de 16 %.

D’où vient-il ? Où le trouve t-on ?

Il provient de la décomposition et de la fermentation des matières organiques.
On en trouve dans la nature, dans les marécages par exemple, et bien sur dans les mines, dans la houille où il se situe adsorbé dans les nano-fissures, dans les roches environnantes de la couche de charbon et dans les petites veines de charbon non exploitées.
Il migre facilement sur de longues distances en couronne des galeries. Certaines couches de charbon peuvent contenir jusqu’à 20 m3 de grisou à la tonne de charbon extrait.
Il se dégage surtout dans les galeries en creusement en cul de sac et dans les chantiers en exploitation. Comme évoqué ci-dessus pendant longtemps, le seul moyen pour le détecter a été la lampe de sûreté à flamme qui a beaucoup évoluée au fil du temps.

Lampe à flamme

Lampe à flamme

Au cours des dernières décennies le centre de recherche des Charbonnages de France a mis au point des grisoumètres électroniques qui permettent de contrôler en permanence les teneurs en grisou.

Grisoumètre VM1

Grisoumètre VM1

 

La réglementation minière classe les chantiers en fonction de leur risque grisouteux et exige que la teneur en grisou dans un chantier en exploitation ne doit pas dépasser 1 % et l’évacuation du personnel doit se faire si la teneur atteint 2 %.
L’utilisation des explosifs, même dits de sécurité, ne peut se faire que si la teneur du grisou dans le chantier est inférieure à 0.5 % et que la teneur soit vérifiée à l’orifice de chaque trou foré avant l’introduction de l’explosif et à nouveau dans le chantier, juste avant la mise à feu de la volée. Le seul moyen actuel pour lutter contre le grisou est la ventilation pour le diluer avec parfois des volumes d’air très importants.

Les poussières

Dans les galeries de mine on distingue 2 sortes de poussières :

1)    Les poussières stériles produites lors de la formation des trous dans le rocher pour introduire la dynamite nécessaire à l’abattage du rocher. Elles ne sont pas inflammables mais sont très dangereuses pour les poumons du personnel à cause de la silice qu’elles contiennent. Le moyen pour s’en protéger est d’en produire le moins possible et de les transformer en boue grâce à l’injection d’eau dans les machines de foration et dans les galeries par l’arrosage.

2)    Les poussières de charbon très fines inflammables, proviennent de l’abattage de la chute et du transport du charbon. Elles se comportent comme un gaz si elles sont soulevées et enflammées par une explosion de grisou ou aussi par une source chaude. Le moyen pour s’en protéger est d’abord d’éviter d’en produire et d’en mettre en suspension dans l’air lors de l’abattage, par exemple en injectant de l’eau sous pression dans la couche , et du transport du charbon (arrosage des points de chutes), ensuite de les fixer en arrosant abondamment le sol et les parements des galeries ou en les stérilisant.

L’explosion

Si la teneur en grisou et si la source d’allumage sont suffisantes, il y a explosion (Exemple : l’allumage d’une cuisinière à gaz dans un appartement, si l’étincelle ne se produit pas exactement au moment ou le gaz se dégage, on entend une petite explosion qui suivant l’importance du début due gaz peut secouer le brûleur). L’explosion peut être très localisée suivant l’importance de la nappe de gaz, elle peut aussi se propager sous forme d’ondes de choc si l’étendue est suffisante en occupant tout le volume de la galerie.

Très souvent cette explosion de grisou est suivie d’une explosion de poussières inflammables soulevées par l’onde de choc de l’explosion et qui en produisent d’autres successivement tant que les poussières inflammables sont soulevées. Phénomène qui peut se prolonger sur de longues distances dans les galeries (exemple : la catastrophe de Courrières dans les mines du Nord en 1906 où l’explosion a ravagé 110 km de galeries jusqu’au puits tuant 1099 personnes) sous forme d’une colonne de feu dont la vitesse et la violence augmentent au fur et à mesure.

Dans les démonstrations faites au centre de recherche des Charbonnages de France, l’expérience était installée dans une galerie artificielle sur une aire spéciale. A une trentaine de mètres de l’entrée de la galerie était disposée sur une petite plateforme quelques kilos de fine poussière (provenant d’ailleurs de l’exploitation Montrambert des Houillères de la Loire) au milieu de cette poussière une petite cartouche de dynamite amorcée avec un détonateur électrique relié à une ligne de tir allant à l’extérieur.

A quelques mètres plus loin en direction de la sortie de la galerie un détonateur électrique  qui retarde de quelques millisecondes était suspendu à mi hauteur de la galerie lui aussi relié à la ligne de tir. A partir d’un poste de tir situé à l’abri, à l’extérieur de la galerie, une impulsion électrique était donnée à l’installation et presque instantanément la poussière était soulevée et enflammée ; une longue colonne de feu sortait à très grande vitesse de la galerie  sur plusieurs dizaines de mètres avec un grand bruit. A la suite d’explosions tuant beaucoup de personnel et ravageant les galeries et les puits, une sévère réglementation minière a été mise en place.

1 –  Neutralisation des poussières par arrosages fréquents et importants ou en rendant stérile les poussières de charbon en répandant dans les galeries, des poussières stériles, du carbonate de chaux par exemple, non dangereux pour les poumons. Des contrôles périodiques étaient faits pour vérifier que le mélange poussière de charbon et stérile était ininflammable.

2 – En divisant une mine en sections dites isolées, en particulier les puits et différents quartiers. Cette opération consistait ,dans des zones bien déterminées des arrêts barrage, c’est-à-dire dans une galerie bien rectiligne et à une hauteur la plus faible possible où pouvait passer une onde de choc à installer, initialement des planches garnies de poussières inertes (carbonate de chaux par exemple),remplacé ensuite par une série de bacs en polystyrène expansé remplis d’eau mais très fragiles qui peuvent se briser sous une onde de choc et répandre une quantité d’eau capable d’éteindre une flamme. Des expériences au centre d’essais des Charbonnages de France ont déterminé qu’il fallait prévoir au moins 400 litres d’eau par m2 de section  d’une galerie pour arrêter une flamme.

 

Bacs à eau installés dans une galerie de mine

Bacs à eau installés dans une galerie de mine


Quels étaient les moyens modernes utilisés au puits Pigeot pour exploiter en toute sécurité les derniers chantiers classés « franchement grisouteux et poussiéreux » ?

Les appareils électriques, en particulier les moteurs, étaient surveillés par un détecteur de grisou (GTM) qui effectuait des mesures toutes les 15 secondes. Si la mesure dépassait un seuil fixé, l’appareil provoquait la coupure du courant sur tout le secteur concerné.
Le courant ne pouvait être relancé qu’après l’intervention d’un agent de maîtrise qui contrôlait avec son grisoumètre personnel les teneurs en grisou du chantier et lui seul pouvait relancer le courant. Les télé-grisoumètres dits de sécurité pouvaient continuer à contrôler l’atmosphère.
Toutes ces mesures étaient transmises au jour et enregistrées ce qui permettait d’analyser les événements liés au grisou survenus dans les chantiers du fond.

L’évolution du contrôle du grisou

Jusqu’à il y a moins de 100 ans, au temps ou on ne disposait que de la lampe de sécurité à flamme dont étaient munis les mineurs, la réglementation minière imposait que dans chaque chantier grisouteux, l’atmosphère soit contrôlée au moins 2 fois par poste.
L’apparition des télé-grisoumètres enregistreurs a montré que les teneurs en grisou dans un chantier pouvaient varier d’une façon très importante en quelques minutes.  Cela a permis aussi de comprendre pourquoi ces variations étaient si importantes et si rapides.
Dans les zones exploitées et abandonnées, peu remplies par les éboulements malgré le foudroyage et  qui étaient peu aérées, le grisou s’accumulait.
Ces volumes étaient soumis, bien qu’au fond de la mine, aux variations de pressions atmosphériques et qu’ils augmentaient si la pression baissait d’où le débordement de ces volumes emprisonnés dans les zones exploitées, augmentant la teneur dans les chantiers.
Les baromètres installés dans les lampisteries avertissaient le personnel, car si le baromètre baissait, il y avait un risque plus important de grisou.

Central de télégrisoumétrie installé au puits Charles des Houillères de la Loire

Central de télégrisoumétrie installé au puits Charles des Houillères de la Loire

Les catastrophes importantes dues aux coups de grisou et de poussières

Exploitation de Courrière                   1906                1 099 morts
Puits Jabin – Loire                             18/02/1876         186 morts
Puits Verpilleux – Loire                      03/07/1889         207 morts
Puits Pélissier – Loire                        29/07/1890         113 morts
Puits Charles – Loire                         mai 1968                6 morts

A signaler qu’au Puits Charles, dans la Loire, le coup de poussières s’est arrêté là où les poussières étaient bien arrosées, l’arroseur a d’ailleurs été tué à son poste.

                                                                                                                      Jean MEYER